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Histoire mouvementée du franchissement de l’Oise à Saint-Leu d’Esserent

Il n’est pas facile de reconstituer l’histoire du pont de Saint-Leu d’Esserent car nous manquons de documents fiables pour les périodes anciennes.

  1. Les premières informations

Les recherches de Messieurs Durvin et Rigaud nous permettent de savoir que, dès la période gauloise, une « route de l’étain », reliant l’Angleterre à la Méditerranée, franchissait l’Oise au lieu-dit « passe à cheval » grâce au gué sur lequel est construite l’actuelle écluse de Creil.

A l’époque gallo-romaine, à cet endroit s’est développé l’important port de Litanobriga. Il disparaîtra brutalement comme toutes les activités alentours vers le milieu du V° siècle.

Mais, à ces époques, à Saint-Leu, à l’emplacement du pont actuel, y-avait-il un passage ? Pour le moment rien ne nous permet de le savoir. Lors de la construction du 1er pont suspendu en 1922/24, les ouvriers ont découvert des traces de bornes milliaires.

Normalement ces bornes jalonnaient les voies romaines importantes (elles étaient érigées tous les mille pas, soit 1.478,5 mètres). On peut donc penser qu’une de ces grandes liaisons franchissait l’Oise à cet endroit. Mais, par quel moyen ? Actuellement il est difficile de le dire.

  1. Les premiers documents

La Charte de 1081 nous apprend que Hugues de Dammartin a donné au monastère d’Hescerent les droits de rivage sur l’Oise entre Verneuil en Halatte et Pontoise, mais il n’est pas question de péage pour un pont.

En revanche, la Charte du 24 février 1176, signée par l’abbé de Cluny et le Comte Raoul de Clermont, précise que l’abbé autorise le Comte à construire un pont sur l’Oise dont ils partageront les revenus. Clermont est autorisé à installer des moulins sur le pont mais il ne percevra pas les droits. Mais il faudra un certain temps pour que le pont soit construit et praticable.

  1. Les premières certitudes

En 1202 le prieur signe un accord avec les responsables à titre héréditaire du port de Saint-Leu, Girard et Ives. Il confirme que les pèlerins qui se rendent à l’église de Saint-Leu sont exemptés des droits de travers et péage sur l’Oise mais qu’ils devront payer pour leur monture. En revanche, ils passeront gratuitement s’ils viennent de Dammartin dont le seigneur Hugues a fondé le monastère. Les enfants de moins de 7 ans sont également exemptés. A cette date le pont était donc déjà construit.

En 1358 nous sommes certains que le pont était toujours en activité puisque les Comtes de Clermont et leurs chevaliers étaient chargés par le Régent de le garder et d’empêcher son franchissement par tous ceux se présentant avec un convoi de ravitaillement destiné aux parisiens en rébellion. C’est cet ordre qui va déclencher le mouvement de la Jacquerie.

Le pont aurait été emporté par une crue au début du XVII° siècle. Mazarin, personnalité puissante de Cluny venu faire une visite d’inspection au monastère de Saint-Leu, rapporte que les moines vivaient de façon misérable et que les bâtiments n’étaient pas entretenus. On peut penser qu’il en était de même pour le pont.

  1. Évocation du port de Saint-Leu fin XV° début XVI° siècle

Tableau de Breughel le Jeune (1568 / 1625) représentant la kermesse de la petite ville de Schelle sur les bords de la Schelde  en Flandres vers  1600.

Il nous permet d’imaginer l’animation du port de Saint-Leu à cette époque.

Brueghel le Jeune, La kermesse de la ville de Schelle (Flandres), vers 1600.

On y retrouve l’embarquement des passagers en attente de la traversée de la rivière, prenant le bac ou la nacelle (nom donné à la barque), le chargement des marchandises, mais, à Saint-Leu le chargement se faisait sur les besognes et non pas sur les gros bateaux de Schelle située près d’Anvers. L’animation qui se dégage du tableau évoque celle qui devait régner sur la Place de la Marine (future place Baroche).

  1. Le premier pont de pierre a disparu – le pont de bois à 7 arches

En 1609 Christophe Marie, un entrepreneur général des ponts du royaume, avait obtenu l’autorisation de construire des ponts en bois sur toutes les rivières, là où il le jugeait nécessaire « pour le bien public ». En contrepartie il percevait un péage correspondant à celui payé pour les bacs. Toutefois, Marie accepta que les propriétaires des bacs puissent continuer à exercer leur activité.

En juin 1616, Marie entreprit de faire construire à Saint-Leu un pont de bois, là où était installé le bac du prieuré. Le monastère était depuis plus de 600 ans propriétaire de la rivière. Le prieur Claude Dufour qui avait été conseiller et aumônier d’Henri IV réagit violemment et obtint que la construction soit arrêtée. Alors Marie fit appel et le 23 décembre 1619 le Parlement de Paris confirma la construction du pont, mais obligea le constructeur à verser 400 livres au Prieur chaque année pour le dédommager des péages de la ferme du bac, aussi longtemps que durerait la concession. Le pont de bois, construit par un charpentier de Paris, avait 7 arches, mais les « besognes » ne passaient que sous la 6ème. Au cours des années 1620/1630 il exigea de nombreuses réparations faites par le charpentier de Saint-Leu qui acceptait des rabais. Pendant cette période le prieur allait régulièrement en justice car il n’était pas payé. Le receveur du pont, qui en avait le fermage, expliquait pour sa défense qu’il y avait de nombreuses épidémies, et que, les voyageurs, les pèlerins, les marchands et les marchandises ne passant presque plus, il ne touchait pas suffisamment d’argent pour verser les sommes dues au monastère.  En 1633 les comptes du bail du pont de Saint-Leu sont arrêtés car le pont est en ruine.

Les comptes rendus des différents procès nous apprennent aussi qu’il y avait une « Maison du Pont de Saint-Leu » où habitait le receveur et où était perçu le péage. Cette dernière deviendra « l’octroi » au cours des siècles suivants.

Maquette de bateau fluvial dit besogne, vers 1850. Musée de la Guesdière.
  1. Les problèmes des « bacquiers »

Lorsque le Colonel Henri Campion en 1652 nous invite à faire le tour de Saint-Leu à la recherche d’un passage possible pour pénétrer dans la ville il ne mentionne pas de pont sur l’Oise. Différents documents permettent de penser que le pont de bois n’a pas été reconstruit et que seuls le bac et la barque, appelée « la nacelle », permettent de franchir la rivière.

A la fin du XVII° siècle le seigneur de Laversine acceptait mal que ce soit le prieuré le bénéficiaire du droit de travers, de péage et de chasse sur la portion de rivière jouxtant ou traversant sa propriété. Tout était prétexte à chicanes.

Nicolas Chérets, le fermier du bac étant décédé, la charge héréditaire revint à son épouse Nicole Breton qui devint « bacquière ». Le 25 août 1694 les Officiers de la Justice de Laversine demandèrent à tenir leur assemblée du 27 août sur le bac, ce qui perturbait son exploitation et le passage des usagers. Nicole prévint alors le juge de Saint-Leu qui rejeta la requête et lui demanda de lui confier ce qui permettait de bloquer le bac et la barque avant que les Officiers de Justice se présentent. Dès que les Officiers furent repartis, sans avoir pu tenir leur assemblée, Nicole récupéra son matériel et put reprendre le trafic. Mais, les Officiers, furieux, soudoyèrent des habitants de Saint-Maximin qui, le 30 septembre, s’emparèrent de la barque alors qu’elle était accostée côté Saint Maximin pour perturber la traversée de la rivière, ce qui représentait une gêne et un manque à gagner pour le prieuré.

Par un arrêté du 2 août 1729 le Conseil d’Etat supprima au Prieuré le droit de travers sur l’Oise et de travers par terre dans Saint-Leu mais il maintint le droit de péage pour le bac. Le dernier bail pour le bac fut signé en 1778. Il accordait au bacquier le privilège de pêcher dans la rivière et dans l’étendue de la seigneurie de Saint-Leu, contre 3 plats de poissons  annuellement.

Les conditions d’exploitation du bac et des nacelles étaient affichées sur une pancarte règlementaire.

  1. La Révolution

Les lupoviciens et les lupoviciennes qui ont réalisé un petit livre sur la Révolution à Saint-Leu nous apportent des documents intéressants pour la fin du XVIII° siècle.

Le 2 mars 1790 le procureur Robin qui demande que la ville de Saint-Leu soit désignée comme chef- lieu donne pour argument que cette paroisse est la plus importante du canton, même plus importante que Creil qui a pourtant été choisie. De plus, il précise qu’elle possède un bac sur l’Oise ce qui laisse supposer que le pont n’est toujours pas reconstruit. D’autre part, un usager du bac, mécontent, porte plainte et écrit pour demander la réparation de ce dernier devenu très dangereux faute d’entretien. En réponse le Conseil Général demande au Prieur du monastère de réparer le bac sous 3 jours, sinon il le tiendra responsable de tout accident.  Ceci nous permet de déduire que les moines n’ayant plus les moyens de reconstruire un pont assurent le franchissement de l’Oise grâce à un bac dont ils sont propriétaires. A ce titre ils s’occupent de l’entretien et perçoivent le péage. Les moines dispersés et le monastère détruit qui a repris l’exploitation du bac ?

  1. Les avatars de la construction du pont de pierre à 3 arches

Dans la première moitié du XIX° siècle le développement économique et industriel commence à transformer l’activité de la région.

Les recherches entreprises aux archives de Saint-Leu et de Beauvais par Mesdames Nicole Lejeune, Présidente de l’Héritage Lupovicien, et Michèle Euverte, nous permettent de reconstituer les péripéties de la construction du pont au cours de ce siècle

Le 30 mai 1836 le Ministère de l’Intérieur de Louis Philippe désigne un Ingénieur en chef des Ponts & Chaussées de l’Oise pour établir un Cahier des Charges en vue de l’adjudication des travaux de construction d’un pont pour franchir la rivière Oise à Saint-Leu d’Esserent. C’est un ingénieur civil, Monsieur Targe, qui habite rue du Faubourg Poissonnière à Paris, qui emporte le marché. L’ordonnance royale du 11 avril 1838 lui accorde la concession. Il s’engage à construire un pont de pierre de 3 arches à ses frais, avec risques et périls, et à en assurer l’exploitation. En contrepartie il percevra un péage pendant 99 ans.

Le 31 mai 1839 il crée la Société Targe & Cie, dont il est le gérant, avec les 25 premiers souscripteurs d’actions exigés pour avoir le droit de former la société. Le capital est de 200.000 francs représenté par 200 actions de 1.000 francs, chacune donnant droit à 1/200ème des bénéfices nets du péage. Le gérant doit aussi verser une caution de 5 actions comme garantie de sa gestion. D’autre part, il doit verser aux deux ingénieurs qui se sont occupé du dossier la somme totale de 3.692 francs.

Monsieur Targe sera considéré comme propriétaire du pont, libéré envers l’Etat, après réception des travaux au cours de l’année 1842. Le Préfet de l’Oise avait fixé le début de la perception du péage au 1er janvier 1840.

Rapidement, des problèmes sont survenus entre Monsieur Targe et ses actionnaires. D’autre part, de nombreuses malfaçons sont apparues retardant la réception du pont. Elles exigèrent d’énormes travaux de consolidation pendant plusieurs années. La Société Targe va être dissoute par décision du Tribunal de la Seine et l’actionnaire principal Monsieur Joseph de Froidefond de Florian est nommé liquidateur. Monsieur Targe ne pouvant rembourser les sommes exigées par le Tribunal les 5 actions de garantie sont revenues aux deux actionnaires encore présents. C’est ainsi que Monsieur de Froidefond  de Florian  et Monsieur Laverme sont devenus propriétaires du pont de Saint-Leu.

Le 20 mars 1847 Mr de Froidefond écrit au Ministre de l’Intérieur pour lui demander l’autorisation de baisser certains péages qui avaient été fixés par l’Ordonnance Royale du 10 janvier 1837, car les villes de Chantilly et de Senlis avaient réagi trouvant les montants des péages trop élevés. Messiers de Froidefond et Lavigne compte tenu de la durée de la concession (99 ans) et désirant faciliter la circulation dans le département de l’Oise acceptèrent de baisser fortement le montant de certains péages.          

C’est ainsi que pour une voiture suspendue à 2 roues et un cheval ou mulet ou une litière à 2 chevaux plus le conducteur, le tarif passe de 50 à 20 centimes. Pour une voiture suspendue à 4 roues et 1 cheval ou mulet le prix passe de 60 à 30 centimes conducteur compris. Pour une voiture suspendue à 4 roues et 2 chevaux le prix passe de 1 franc à 40 centimes conducteur compris. Les voyageurs continuent de payer séparément et par tête le droit dû pour une personne à pied : 5 centimes.

Monsieur de Froidefond étant décédé, la propriété du pont et la concession du péage passent à partir de juillet 1851 à sa veuve et à son fils qui possèdent 155 actions et à Monsieur Laverme qui en a 45.

Il faudra attendre 1856 pour pouvoir exploiter pleinement le nouvel ouvrage.

Pont de pierre : dessous du pont
Pont de pierre : entrée côté Saint-Leu : à gauche au fond façade de l’octroi, en haut du pignon panneau : « ARRÊT PÉAGE »
  1. Arrivée de la famille OUACHEE

Monsieur de Froidefond étant décédé, son fils, seul héritier, et Monsieur Laverme vendent le 24 avril 1867 le pont et ce qui reste à courir de la concession du péage à partir du 1er mai 1867 à Monsieur Louis Henry Ouachée, propriétaire exploitant de carrière à Saint-Leu et à Saint Maximin.

Monsieur Henry Louis Ouachée possédait déjà les propriétés et les jardins au pied de la pile du pont le long du quai aval, ainsi que les terrains qui s’étendaient entre la rue Fabre d’Eglantines, la rue des Iles, l’avenue de la Gare et la rue de l’Hôtel Dieu. Le jour de la signature de l’acte de vente Monsieur Ouachée versa 174.500 francs et les 70.000 derniers francs le 13 mai 1870.

Dès les premiers jours de 1914, l’État-major français voyant les troupes allemandes faire une percée sur Paris par le nord donna l’ordre de faire sauter les ponts stratégiques de la région, qu’ils soient ferroviaires ou routiers. C’est ainsi que les artificiers du 5ème Génie, sous les ordres de leur capitaine Marcel Ouachée firent sauter le pont de Saint-Leu. Or, le hasard voulut que ce capitaine n’était autre que le plus jeune des trois frères Ouachée propriétaires du pont et de la concession.

En 1915 l’Ingénieur en Chef du département de l’Oise avisa l’ainé des frères Ouachée que le pont de Saint-Leu sera reconstruit, après la guerre, aux frais de l’Etat, et qu’il leur sera versé une indemnité équivalente aux montants des péages non perçus.

En 1917 l’ingénieur en Chef du département avisa le Préfet de l’Oise que « le pont de bateaux établi par l’armée sur la rivière d’Oise à Saint-Leu d’Esserent a été enlevé ». Ce pont avait été construit sur décision de l’Etat-Major alors que les troupes allemandes, en septembre 1914, avaient dévié leur percée vers l’Est. Il fallait amener des troupes et du matériel sur les fronts du Nord et de l’Aisne. En 1917 le front s’étant stabilisé sur la Champagne, l’armée a du juger qu’il était possible de le démonter pour permettre la circulation sur l’Oise.

Pont de pierre démoli. Restes de la pile vus depuis le côté St Maximin – Gouvieux – à l’arrière la place Baroche et le quai amont.
  1. Le premier pont suspendu

En 1920 le développement économique du Nord-Pas-de-Calais avait évolué ainsi que les transports fluviaux. Le Ministère des Travaux Publics décida alors de reconstruire, non pas un pont de pierre, mais un pont suspendu, ce qui facilitait la circulation en dégageant le lit de la rivière et en donnant de la hauteur pour permettre le passage des cheminées des remorqueurs, « les Abeilles », qui fonctionnaient à la vapeur.

Pont de pierre : la tache noire de la fumée côté aval : vue prise du bord du quai Ouachée

Le 17 mars 1924 le sous-préfet de Senlis avisa les maires des communes de Blaincourt, Chantilly, Gouvieux, Précy-sur-Oise, Saint Leu d’Esserent, Villers sous St Leu, Saint-Maximin que les cohéritiers Ouachée étaient prêts à abandonner leur droit de concession du péage du pont de Saint-Leu contre la somme de 148.000 francs, correspondant aux 14 annuités qui restaient encore à courir. Il était prévu de répartir cette somme entre les sept communes. Elles auraient dû verser : 3.700 francs pour Blaincourt ; 37.000 pour Chantilly et Gouvieux ; 33.300 pour Saint-Leu ; 14.800 pour Précy ; 3.700 pour Villers et 18.500 pour Saint Maximin. Les Conseils Municipaux ont tous exprimé un avis défavorable. Ils considéraient que la circulation routière de la D44 était d’intérêt général et non local. Il n’y avait pas de raison pour que les communes supportent seules l’indemnité de rachat trop lourde pour leur budget. Le Conseil Municipal de Saint-Leu fit remarquer dans sa réponse que depuis 9 ans il n’a pas été construit de provisoire « contrairement à ce qui a été fait pour la plupart des ponts détruits, afin d’économiser les frais qu’auraient occasionné ce provisoire ».

C’est le département qui, les 26 novembre et 3 décembre 1924 racheta aux héritiers Ouachée la concession du pont de Saint-Leu pour 148.000 francs, somme acceptée par le Préfet de l’Oise autorisé à conclure le marché. Il y était précisé que « les cohéritiers Ouachée ne pouvaient plus réclamer au département ou aux communes aucune indemnité relative au pont ou sa dépendance (maison de gardiennage comprise) ». Cette maison, « l’octroi », qui était construite à gauche de l’entrée du pont, côté Saint-Leu, fut détruite pour faciliter la reconstruction du nouveau pont suspendu ouvert à la circulation.

  1. La guerre 1940/45

En 1940 le pont de 1924 connaîtra le même sort que le pont de pierre en 1914. Début juin, pour freiner l’avance allemande, le Génie français sectionna les câbles et le tablier métallique s’effondra dans l’Oise, empêchant toute circulation.

Pendant la période de 1940 à 1950 le franchissement de l’Oise se faisait à l’aide d’un bac et d’une barque manœuvrés par les frères Gavelle. Le bac était réservé aux véhicules, cyclistes, piétons, animaux. Généralement Kléber Gavelle attendait que plusieurs véhicules se présentent pour effectuer la traversée, mais cela ralentissait la circulation. Les piétons et les cyclistes empruntaient plus facilement la barque de Bélisaire qui calait les bicyclettes que les propriétaires tenaient pendant la traversée. Celle-ci s’effectuait en fonction du passage des péniches qui provoquaient des vagues qui déséquilibraient la barque, ce qui n’était pas toujours rassurant, surtout quand elle était en surcharge.

Le bac permettra aux résistants de surveiller les mouvements des troupes allemandes depuis l’hôtel de l’Oise.

Le dimanche 23 juillet 1944, vers 19 heures, de nombreux lupoviciens s’étaient présentés pour traverser l’Oise afin de passer la nuit dans les carrières de Saint-Maximin où ils avaient leur coin, leur matelas, leurs habitudes, pour se mettre à l’abri des bombardements.  Raymond Bralant et sa petite sœur avaient complété le remplissage de la barque prête à partir. Après avoir effectué la traversée Bélisaire revint chercher les autres candidats au passage. Pendant ce temps des avions surgirent et commencèrent à larguer leurs bombes, théoriquement sur la voie ferrée. Les 2 enfants qui attendaient sur la berge virent alors la barque transportant leurs parents menacée par les projectiles qui tombaient dans l’eau, ainsi que par la toiture de la sucrerie et l’installation du pont transbordeur qui volaient, en particulier les grandes barres métalliques qui plongeaient dans la rivière. C’est un miracle que personne n’ait été blessé…

L’écluse de Boran avait été endommagée en 1940 lors de l’avance allemande. Dans le bief entre l’écluse de Creil et celle de Boran le niveau de l’eau avait baissé de 2 mètres. Ceci permit de nettoyer le lit de la rivière et de dégager les décombres du pont.  Cela réserva aussi aux riverains bien des surprises…  Au moment des hostilités un petit avion de reconnaissance était tombé dans l’Oie vers Toutevoie.

  1. Le deuxième pont suspendu « Notre Pont »

Il faudra attendre le 29 mai 1950 pour inaugurer le 2ème pont suspendu sur l’Oise, pont à suspension parabolique et à double sens de circulation sur lequel passe la D 44 et qui dépend du Département.

Notre pont, photo actuelle.

Dans la fin des années 1940 la reconstruction de Saint-Leu a posé de nombreux problèmes et a entraîné beaucoup de discussions. L’organisation de la reconstruction a été confiée au Ministère de le Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU). Celui-ci devait s’efforcer d’éviter les erreurs du passé et tenir compte des prévisions en matière de circulation, d’évolution de la population et de l’économie. Il n’autorisa donc pas la reconstruction des deux maisons à gauche du pont, côté Saint-Leu, qui gênaient la visibilité et posaient problème quant à l’infrastructure de l’ouvrage à reconstruire.

Les destructions. Le même endroit reconstruit avec brasserie et épicerie…

La famille Lepage-Lesueur propriétaire de la première maison possédait un autre immeuble également démoli, à l’angle de l’impasse du chemin de fer et de la rue Pasteur, à côté du passage à niveau. Les crédits alloués ont été regroupés et la famille a été autorisée à construire à cet endroit un ensemble avec épicerie – café, en prolongement d’un 2ème immeuble abritant le magasin de chaussures qui existait déjà sur la place avant les bombardements.

Les destructions. Épicerie Lebel du Perron détruite et la rue de Compiègne (actuellement rue Henri Barbusse).

L’épicerie Lebel installée au Perron de la Prée étant effondrée, un baraquement provisoire a été monté dans le potager du château Louat ouvrant rue Pasteur, face au marchand de cycles (actuellement Pizza Tasty) dans lequel l’épicerie Lebel a pu reprendre son activité. Le Perron reconstruit, Monsieur Lebel est retourné dans son ancien quartier et le baraquement a été démonté. Le terrain libéré a alors été attribué à Mr Bournot, occupant de la 2ème maison, chassé lui aussi de l’entrée du pont. C’est ainsi que sa nouvelle demeure a été recontruite au 4 rue Pasteur.

Pendant un moment il avait été envisagé, pour supprimer le passage à niveau, déjà perturbateur, de prolonger le pont jusqu’à la hauteur du monument aux morts où la D44 rejoint la D92 qui venait d’être transformée en « route industrielle » traversant Saint-Leu d’Est en Ouest.

En prévision de ce projet il n’a pas été possible de reconstruire à l’emplacement de la Ferme Mahieu.

Les destructions. Ferme Mahieu et plusieurs maisons anciennes effondrées avec en face l’épicerie Lesueur quai amont.

A proximité, sur l’emplacement de plusieurs petites maisons anciennes, a été construit un ensemble comportant cinq logements légèrement décalés vers la place Baroche afin de laisser un large passage à la D 44 pour laquelle on a « gelé » les terrains situés derrière les maisons de la rue de l’Hôtel Dieu afin qu’elle puisse franchir la voie ferrée, à l’aide d’un pont, et rejoindre le carrefour du monument aux morts.

Ce projet n’a pas vu le jour mais le quartier est resté lui aussi figé jusque dans les premières années du XXIème siècle. Après les années 2000 on a alors utilisé ces espaces pour aménager l’ensemble de la rue des Marguillers et la Résidence La Buissonnière. Ces différentes décisions permettent de comprendre l’esthétique de ces quartiers.

Construction de notre pont en images

Phases successives des travaux de reconstruction du pont actuel en 1950 :

Actuellement le pont de Saint-Leu, qui permet à la Départementale 44 de franchir l’Oise, joue un rôle essentiel dans la Région. Il subit une circulation beaucoup trop importante pour lui. Il passe en moyenne 8000 voitures et camions par jour. Aux automobilistes des villages et cités des alentours, en particulier ceux qui prennent le train pour Paris en gare de Chantilly, vient s’ajouter les autobus et les camions de transport locaux et une circulation internationale avec d’énormes semi-remorques français et étrangers qui suivent une signalisation mal faite ou des GPS inexacts entre la sortie de l’A1 et la banlieue Ouest ainsi que le Nord-Ouest de la France.

Annette METZLER