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Du Roman au Gothique

Dès que les moines sont entrés en possession de l’église paroissiale Saint Nicolas de Hescerent et des biens qui l’accompagnaient, ils commencèrent par construire des bâtiments conventuels le long du mur nord de l’édifice pour loger les premiers religieux. Mais, surtout, ils plaquèrent sur le mur de la façade romane de l’église paroissiale l’avant-nef, avec au-dessus la tribune, nécessaires à la pratique quotidienne du rituel de la liturgie clunisienne.

Vers 1140, alors que le monastère était en pleine expansion, le comte de Clermont et le prieur Renaud de Hautepierre décidèrent de commencer une nouvelle église, plus prestigieuse, pour les moines. Ils envoyèrent les ouvriers qui auraient dû construire le deuxième clocher, commencer l’abside au pied de l’éperon rocheux, derrière l’église romane. Les travaux se poursuivirent vers 1160 par la construction du chevet. Au XIIIe siècle, une nef gothique relie l’ensemble.
La construction fit face à de nombreux handicaps :

1/ Chapelle Jeanne d’Arc et fenêtres bas-côté nord

Quand les ouvriers sont arrivés à la réalisation des chapelles, côté nord, ils se sont heurtés aux bâtiments conventuels que les moines avaient déjà terminés le long du mur de l’église paroissiale. Ils durent réduire la dernière chapelle, actuellement dédiée à Jeanne d’Arc, et, surtout, percer les fenêtres du bas-côté nord plus haut que celles du bas-côté sud (voir de l’extérieur).

2/ Fond de la nef et problème des piliers

Mais le gros problème provenait de la présence, au milieu du chantier, de l’église paroissiale dont les moines avaient besoin pour célébrer les offices et respecter le rite clunisien. Elle sera démolie au fur et à mesure de l ‘avancement des travaux. Or, seul l’angle sud du bout de la nef, près de la chapelle du XIII° siècle, ouvrait sur un espace extérieur suffisamment libre pour permettre d’évacuer les déblais. Ceci explique que cette partie de l’église ait été terminée en dernier, que les piliers sud ne soient pas tout à fait dans l’axe des piliers nord, ce qui obligea à gauchir légèrement les voûtes qui, fragilisées, ont cédé sous l’effet de l’onde de choc provoquée par l’explosion de la bombe en 1944.

3/ Mur de revers et rosace

La présence de l’église romane peut aussi expliquer que le mur de revers conservé soit désaxé par rapport au chœur du nouvel édifice, que la rosace percée au XIII° siècle soit au milieu de la façade, mais trop bas, et désaxée vue de l’intérieur.

4/ Pente de la nef

La présence de l’église romane n’a pas permis de préparer correctement le sol de la nef qui descend en pente douce vers le chœur en suivant la légère inclinaison de l’éperon rocheux.

5/Bloc de l’avant-nef « démodé » par rapport à l’édifice et absence du 2ème clocher prévu

Les difficultés financières et techniques ont freiné les travaux. Au XIII° siècle les dons se faisaient plus rares, les revenus des moines diminuaient, le prestige du monastère aussi. Il n’était plus en mesure de supporter la démolition de l’avant-nef et de sa tribune pour les mettre en harmonie avec le reste de l’édifice. C’est ainsi que l’ensemble du bloc liturgique pré-gothique est resté plaqué sur la façade de l’édifice gothique, fermant la nef, et, surtout, que le deuxième clocher n’ait pas été érigé.

6/ Écartement des voûtes

Depuis leur construction les arcs-boutants n’étaient pas suffisamment forts pour contrebalancer la poussée des hautes voûtes qui ont tendance à s’écarter. Tout au long des siècles il fallut trouver une technique pour maintenir la masse et limiter les dégâts. Dans les années 1950, lors de la reconstruction, l’Architecte des Monuments Historiques a mis en place des pinces en ciment armé qui passent au-dessus des voûtes. Cette façon de procéder, mise au point à Saint-Leu, se pratique maintenant couramment et semble donner satisfaction.

L’église prieurale de Saint-Leu est considérée comme un chef d’oeuvre de l’art de transition : sa construction commence avec l’art roman et se termine en pleine époque gothique.

Annette METZLER pour Héritage Lupovicien